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La verticalité de l'être

Le projet détaillé


Résumé du projet

Ce projet a pour objectif d'établir un laboratoire de recherche qui va me permettre d'explorer, tester et développer divers tableaux ou scènes potentielles dans le but de rédiger le scénario du court métrage fiction.

Le projet

Il y a quelque chose de fascinant et de mystérieux dans le simple fait d'exister sans trop savoir qui on est vraiment. Absorbé dans le corps, dans le mental et dans le monde phénoménal depuis la naissance, on passe notre vie à se déployer à travers de multiples expériences, mais au-delà de la personnalité qui s'y construit au fil du temps, qui est celui que l'on nomme « Moi »? La sensation d'exister que procure le Moi est probablement l'un des facteurs les plus énigmatiques du monde manifesté dans lequel on vit et pourtant très peu d'entre nous s'y intéressent vraiment. Ce constat est d'autant plus flagrant aujourd'hui dans cette ère du cyber espace et des technologies omniprésentes où le silence et l'immobilité deviennent une source de malaise. Les fondements de ce projet de fiction prennent racine dans la quête identitaire de Mariloup, une mère monoparentale, qui cherche le sens profond de son existence à travers une pratique non orthodoxe inspirée par le silence, l'immobilité et la gravité. Le film suit les aléas de sa fille Charlotte qui l'attend depuis un certain temps.

L'histoire que je vais élaborer se déroulera principalement en dessous d'un pont et tournera autour d'une communauté d'hommes et de femmes de divers groupes d'âge qui se rassemblent à la tombée du jour pour pratiquer une mystérieuse forme de contemplation. Elle consiste à se suspendre à trois pieds du sol afin d'entrer en relation intime avec la gravité. Pour faire image, c'est comme si les gens se suspendaient au-dessus de l'océan et cherchaient à y pénétrer. En s'abandonnant à la gravité, certaines personnes finissent par y toucher du bout des pieds. Lorsque l'océan finit par ouvrir sa porte mystérieuse à un pratiquant, c'est comme si le câble qui le maintenait en surface lâchait soudainement, le propulsant ainsi dans cette sensation vertigineuse de tomber... dans les profondeurs de l'océan.

« L'immensité est le mouvement de l'homme immobile » Gaston Bachelard

Au centre de cette communauté, il y a Charlotte, une petite fille de six ans, curieuse, téméraire et pleine de vitalité qui s'amuse à déposer des papillons sur le corps suspendu de Mariloup, absorbée dans un silence profond.Charlotte nage comme un poisson dans l'eau à travers ces personnes suspendues qu'elle aime observer et rencontrer. Après sa séparation difficile avec le père de Charlotte, Mariloup éprouve de la difficulté à trouver un sens à sa vie, ce qui l'amène progressivement à vivre une forme de dépression. Elle trouvera un certain réconfort avec cette communauté qui, tout comme elle, choisit le silence comme forme de communication. Un évènement anodin autour d'une bande de petits garçons avec leurs lance-pierres, va sortir Mariloup de son état d'absorption et déclencher en elle de la colère refoulée. Ce déversement sur la place publique aura pour effet de faire ressortir toute l'insécurité de Charlotte face à l'état dépressif de sa mère. Pour y échapper, elle ira se réfugier dans une vieille cabine téléphonique désuète dans un champ avoisinant et entretiendra un lien insolite avec l'opérateur téléphonique au bout du fil. Charlotte fera également la rencontre de Ludovic, un jeune musicien de 26 ans au tempérament excentrique avec qui elle passera la nuit en dessous du pont à faire les quatre cents coups et à écouter de la musique en regardant les corps tomber.

Recherches et explorations

Je vais développer ce projet d'écriture dans un contexte de laboratoire de recherche basé sur des improvisations structurées afin de laisser surgir une partie du contenu de manière inattendu. Dans un studio avec sept interprètes, je vais explorer, tester et développer divers aspects techniques et poétiques de tableaux ou de scènes potentielles, qui vont me permettre de préciser et nourrir le processus d'écriture du scénario. Je compte me servir de la caméra et du montage vidéo comme outils d'écriture avant d'aboutir à la version finale sur papier. Cette méthode de travail poursuit l'élan amorcé en 2010 dans le cadre d'une résidence personnelle avec la danseuse Valérie Sabbah au Motel Bienvenue à Rimouski. En immersion d'un mois et demi, nous avons réalisé La trilogie du Motel Bienvenue dans un cadre d'improvisation libre, qui alternait le tournage et le montage comme processus de réalisation. En complète rupture de ton, ce présent projet veut accorder une plus grande importance à l'étape du scénario.

Dans ce laboratoire, je vais développer de manière poétique la beauté, la profondeur et la simplicité du geste qui découle de la pratique fictive de la communauté silencieuse; du processus de suspension avec les harnais en passant par les micros mouvements des corps qui se relâchent et s'abandonnent à la gravité jusqu'à leur chute. Cultiver le mystère par l'interaction entre les gens qui arrivent pour se suspendre et ceux qui partent, et jouer avec les regards qui se croisent et qui communiquent en silence feront l'objet d'une étude poussée dans cette recherche. Pour mieux développer l'image poétique de l'océan sur le plan de l'écriture, je vais faire des essais de tournages dans un lac et dans une piscine avec Mariloup. Il sera question d'explorer la subtilité de la lumière, le toucher de l'eau avec les pieds, l'entrée brutale de son corps dans l'eau et l'état de présence en dessous de l'eau.

Je suis inspiré à développer les personnages de Charlotte et de Mariloup comme deux forces antagonistes qui s'attirent et s'inspirent, mais qui, par des contextes d'étapes de vie différentes, voir opposées, ont du mal à conjuguer dans le présent. Charlotte est en pleine expansion et en plein développement de son Moi/Ego/Personnalité, alors que Mariloup cherche à sublimer sa personnalité égoïque qu'elle a du mal à supporter. Son état dépressif et l'urgence de sa quête identitaire font en sorte qu'elle a moins d'énergie et de désir à prendre soin de sa relation avec sa fille. Bien que Charlotte soit assez débrouillarde et autonome pour une petite fille de 6 ans, elle n'est pas encore outillée pour comprendre ce qui se passe avec sa mère et va ressentir cet écart comme une forme d'abandon. C'est ce lien tendu et viscéral qui se cache derrière leur amour respectif que je vais explorer et développer avec elles.

Je suis intéressé à travailler avec la composante enfant qui dérange et challenge le monde adulte. Avec une bande de quatre jeunes garçons âgés de 9 à 12 ans, je vais explorer diverses actions qui auront une incidence dérangeante sur la pratique des personnes suspendues comme une scène où ils s'amusent à faire chuter les corps en tirant des cerises rouges avec leur lance-pierres. Ce genre d'essai va me permettre d'explorer la colère et la frustration contenues de Mariloup, et d'établir la dynamique viscérale et conflictuelle avec sa fille.

La cabine téléphonique représente un refuge où Charlotte peut s'exprimer par la parole et laisser place à son imagination d'enfant. Je vais l'exploiter comme langage cinématographique pour évoquer la distance qui sépare les deux personnages principaux et pour aborder le besoin réprimé de Charlotte de connecter avec sa mère. Je compte développer le rôle de l'opérateur téléphonique dans une perspective traditionnelle de ce métier disparu, soit celui d'assurer des liens de communication. Charlotte sera amenée à converser mystérieusement avec des personnages réels, imaginaires ou décédés. Ces conversations seront toutefois précaires et distordues pour privilégier la relation simple et terre-à-terre avec l'opérateur téléphonique à qui elle finira par se confier indirectement sur sa relation avec sa mère.

Ludovic, personnage anticonformisme au tempérament coloré, aura pour rôle d'accompagner Charlotte dans la nuit à la manière d'un grand frère. Ils partageront un même sentiment de frustration envers cette forme de pratique qui les amènera éventuellement à faire les quatre cents coups en dessous du pont lors d'une pluie torrentielle. Je vais donc explorer avec eux leur rencontre, le jeu, le plaisir de faire des bêtises, de s'amuser et de se révolter tout en célébrant la vie et le miracle d'habiter un corps.

Étant donné la nature contemplative du projet qui repose en grande partie sur la présence et l'expression corporelle des acteurs, ce laboratoire de recherche va me permettre de faire plusieurs expériences qui auront une incidence majeure sur la rédaction finale du scénario.

Méthodologie de travail

Pour mettre en œuvre ce projet, je vais m'entourer de collaborateurs d'expériences dont j'estime le travail dans leur champ d'expertise. Il s'agit de _______ comme conseiller à la scénarisation, de _______ à la composition sonore et musicale et de ________ comme assistante. La sélection des acteurs principaux et secondaires se fera après des séances de casting. Ils seront choisis pour leur capacité à improviser et pour leur qualité de présence. Réparti en trois volets de création, le projet se déroulera sur six mois dont deux mois à la recherche et la préparation, deux mois à la l'exploration, et deux mois à la rédaction finale du scénario.

Comme recherche, je vais faire des entrevues audio avec des mères qui ont une fille, mais aussi avec leurs filles pour qu'elles me parlent de la richesse et de la complexité de leur lien. Ces entrevues serviront d'inspiration pour développer mes deux personnages principaux. Je compte faire de la recherche sur les enjeux comportementaux liés à la dépression et, plus spécifiquement, sur les personnes qui se tournent vers une démarche spirituelle pour transcender ce mal-être existentialiste. Cette recherche va me permettre de mieux définir le personnage de Mariloup. Il sera également question de préparer le terrain avant le début des répétitions comme la biographie des personnages principaux, le casting, la fabrication des harnais, l'achat et la location des matériaux nécessaires, les rencontres préparatoires avec les collaborateurs (trices) et les interprètes, la préparation du studio pour la suspension des acteurs, etc.

Dans le volet d'exploration, deux journées par semaine seront consacrées à l'exploration avec les interprètes, quatre journées au montage et à l'écriture, et une journée à la préparation et au repos. Je favoriserai la collaboration et l'improvisation structurée comme méthode de travail avec les acteurs. Je vais filmer les improvisations les plus abouties dans un contexte de caméra libre qui découpe la scène improvisée au fur et à mesure. C'est à partir de ces explorations à la caméra que je vais poursuivre le travail scénaristique au montage. Je vais travailler conjointement le montage avec un compositeur sonore. À tour de rôle, nous nous échangeront les images, les séquences de montage, les ambiances sonores et les phrases musicales pour esquisser le ton du film sur le plan sonore. Je considère l'espace sonore comme un élément essentiel à la structure narrative du film, et il est primordiale pour moi d'inclure un compositeur sonore à cette étape de création.

L'écriture du scénario va se développer parallèlement aux explorations cumulées dans le volet 2. Je compte toutefois prendre le temps de bien assimiler toutes ces explorations pour rédiger la version finale dans un troisième volet. Je ferai appel à l'expertise d'un scénariste-conseil pour l'écriture du scénario.

Conclusion

Ce film explore la beauté et la complexité d'entrer en relation intime avec soi-même. Démystifier le sens profond caché derrière la sensation du Moi est une tâche colossale qui demande patience, humilité et sincérité. Bien que la gravité semble être un facteur important pour accéder à la dimension verticale d'une telle quête, il y a cette force vitale qui s'y oppose en nous poussant à vivre bien au-delà de notre entendement et qui participe, peut-être, à voiler notre identité réelle. C'est ce paradoxe existentiel que je cherche à mettre en image de manière poétique à travers la richesse et la complexité d'une relation viscérale entre une mère et sa fille.